Alors que la fiscalité belge reste l’une des plus lourdes d’Europe pour le travail, le gouvernement flamand porté par Bart De Wever remet à l’agenda une réforme ambitieuse. Son objectif : rééquilibrer les charges en taxant davantage le capital, notamment à travers une taxe sur les plus-values. Ce projet suscite de vifs débats dans le monde de la finance, parmi les investisseurs, mais aussi au sein de la classe politique. Décryptage des mesures prévues, des critiques soulevées et de leurs implications concrètes.
Sommaire
Qu’est-ce que la taxe sur les plus-values ?
La taxe sur les plus-values concerne les bénéfices réalisés lors de la revente d’un actif à un prix supérieur à celui d’achat. Elle s’applique généralement aux actions, obligations ou parts d’entreprises.
En Belgique, contrairement à de nombreux pays européens, ces plus-values ne sont pas imposées pour les particuliers dans la majorité des cas. Seuls les plus-values dites “spéculatives” ou “professionnelles” sont aujourd’hui taxées. Le reste bénéficie d’une exonération, ce qui permet aux plus fortunés d’optimiser leur imposition.
Une réforme fiscale annoncée pour 2025
Le futur gouvernement mené par Bart De Wever propose une réforme qui introduirait, pour la première fois, une taxation généralisée des plus-values mobilières pour les particuliers.
Les principales mesures envisagées
Voici les grandes lignes du projet :
- Taxe de 5 % sur les plus-values réalisées sur actions et parts sociales ;
- Un seuil d’exonération à 100.000 euros de plus-values sur l’ensemble de la vie ;
- Exemptions pour les PME, les start-ups, les entreprises familiales et les plans d’actionnariat salarié ;
- Une application uniquement aux particuliers, pas aux entreprises ;
- Entrée en vigueur progressive avec des recettes estimées à 500 millions d’euros par an dès 2029.
Pourquoi cette réforme maintenant ?
La Belgique est régulièrement pointée du doigt pour son système fiscal déséquilibré. Le financement de la sécurité sociale et de l’État repose très largement sur les revenus du travail. Or, comme le rappelle la Banque nationale, cela freine la compétitivité, l’emploi et le pouvoir d’achat.
Le but affiché du gouvernement est donc de “taxer moins le travail, et plus le capital”, à travers une réallocation de la charge fiscale. En ciblant les plus-values, souvent perçues comme un levier d’enrichissement passif pour les plus aisés, la mesure se veut plus équitable.
Une opposition politique et économique marquée
Les critiques de l’opposition
Le PS, le MR et Ecolo critiquent unanimement le projet, mais pour des raisons différentes :
- Le MR redoute un climat fiscal hostile aux investisseurs ;
- Le PS juge la réforme insuffisante et trop favorable aux grandes fortunes ;
- Ecolo pointe un effet d’annonce sans volonté réelle de réformer la fiscalité dans sa globalité.
De son côté, le PTB dénonce une mesure cosmétique. Il rappelle qu’en l’état, les super-riches continueraient d’échapper à l’impôt via des mécanismes complexes d’optimisation.
Quelles conséquences pour les investisseurs ?
Les impacts concrets
Pour un investisseur particulier, la taxe représenterait une retenue directe de 5 % sur les gains réalisés à la revente d’actions ou d’obligations, après dépassement du seuil de 100.000 euros cumulés.
Exemple :
- Un investisseur achète des actions à 50.000 € ;
- Il les revend 10 ans plus tard à 150.000 € ;
- La plus-value est de 100.000 €, donc exonérée ;
- Si la plus-value dépasse ce montant, la taxation s’appliquerait sur l’excédent.
Un signal au monde de la finance… mais aussi à l’Europe
Cette nouvelle taxe envoie un signal fort au monde entier, mais particulièrement à l’Europe. Nous allons comparer avec l’international.
Comparaison internationale
La Belgique était l’un des rares pays européens à ne pas imposer les plus-values pour les particuliers. En France, par exemple, un taux global de 30 % s’applique (flat tax). En Allemagne, le taux est de 25 %.
Dès lors, un taux belge à 5 % reste modéré dans un contexte international, et vise à maintenir l’attractivité du pays tout en réduisant les inégalités.
Une mesure difficile à mettre en œuvre ?
Penchons-nous maintenant sur la complexité de cette taxe.
Complexité administrative
L’administration fiscale devra mettre en place un suivi individuel des plus-values réalisées sur toute la vie d’un contribuable, ce qui soulève des enjeux
- Comment prouver le prix d’achat exact d’un titre détenu depuis 20 ans ?
- Quelle institution se chargera du calcul et du contrôle ?
- Comment éviter l’évasion fiscale vers des véhicules non soumis à cette taxe (crypto, immobilier, etc.) ?
Et les entrepreneurs dans tout ça ?
La réforme a suscité l’inquiétude chez les fondateurs de start-ups, investisseurs en capital-risque et dirigeants de PME.
Pour les rassurer, le gouvernement promet des exemptions ciblées, notamment en cas de revente de parts d’entreprise non cotée ou dans le cadre de transmissions familiales.
La Bourse en alerte
Depuis l’annonce de cette réforme, les marchés financiers belges ont réagi avec prudence. Certains analystes évoquent un risque de désinvestissement des particuliers, d’autres soulignent que l’impact reste minime à ce stade, étant donné la faible ampleur de la taxe.